Mythe, platitude et transparence

Mosaïque de la chapelle Palatine du Château des Normands de Palerme
Mosaïque de la chapelle Palatine du Château des Normands de Palerme

Le Jourdain est représenté de face. Le tracé des berges suit des lignes tracées géométriquement. La partie supérieure de la forme représentant le fleuve s’arrête au niveau des épaules du personnage représentant Jésus, transformant ainsi le cours d’eau en une sorte de cuve.
Mais cette cuve est transparente: Nous voyons les personnages comme s’ils étaient face à nous, mais nous voyons l’eau de dessus. A la superposition de ces deux points de vue s’ajoute la gestion de la transparence du plan vu de dessus .

L’eau est en effet symbolisée par des lignes sinueuses, constituées d’une alternance de carreaux bleus et blancs sauf aux endroits du corps du personnage, de façon à donner un sentiment de profondeur et à laisser deviner le corps plongé dans l’eau.
Cette représentation de l’espace est abstraite. Ce même procédé pour évoquer l’eau du Jourdain sera très fréquent dans les mosaïques et se retrouvera jusque dans les fresques de Giotto, par exemple, dans celle de la Chapelle Scrovegni en l’Eglise de l’Arena, à Padoue, même si déjà, l’abstraction cède le pas devant une illusion réaliste plus grande.

Giotto, fresque de la Chapelle Scrovegni en l'Eglise de l’Arena, Padoue.
Giotto, fresque de la Chapelle Scrovegni en l’Eglise de l’Arena, Padoue.

C’est cette platitude transparente de la représentation qui permet à l’image de s’adresser autant aux yeux qu’à l’esprit. Et c’est justement ce type de travail qui peut être le levier pour travailler aujourd’hui et essayer de dire l’essence du thème.

Contrairement à ce qui semblerait le plus évident en effet, l’utilisation des techniques photographiques (prise de vue, développement et superposition) dans l’esprit des techniques d’avant la mise au point de la perspective linéaire est riche de promesses. Cela permet d’éviter ce réalisme photographique qui donne souvent le sentiment de rester « en dessous », comme un peintre qui se serait arrêté de travailler devant sa palette, fasciné par elle, les couleurs et les mélanges obtenus et qui renoncerait à l’oeuvre.

Garder leur contenu  mythique aux images. Fuir tout formalisme décoratif.

Choix des thèmes , platitude de l’objet photographié, multiplication des points de vue et transparences. C’est la voie qu’il  faut creuser.

Il ne faut pas être photographe.