Lettres de désamour, couverture d'un recueil de nouvelles de Christian Broise

Dépôt légal : juin 2021.
Auto-edition, 59 pages.
Sur simple demande
Prix 10 euros.
© 2021. ISBN : 978-2-9565847-1-1

Quatrième de couverture

C’est parce que cela a été notre manière de communiquer à une lointaine époque que j’ai choisi de vous écrire aujourd’hui une lettre. Je suis cependant un peu mal à l’aise, ne sachant comment la commencer, après tant d’années.
Ainsi commence la première des cinq lettres qui composent ce recueil. A ces lettres se mêleront d’autres textes, d’autres histoires mettant en scène des personnages qui tentent, chacun à leur manière, de conjurer le passé.
Conjurer le passé ?
l’Académie Française précise pour le terme « conjurer » que le sens d’origine, « prier instamment, supplier » s’est enrichi d’un sens nouveau au 12ème siècle, « user de prières ou de formules magiques pour chasser les démons, exorciser les influences maléfiques, éloigner les calamités ».
Conjurer le passé donc.

Extraits

Deuxième Lettre

Racontons-nous des histoires. Elles seules sans doute nous aident à mieux tenter de comprendre ce que nous avons dû vivre.
Il se souvenait qu’en ces années-là, ils avaient échangé des lettres, nombreuses, quotidiennes parfois. Ce tas d’enveloppes était maintenant la dernière trace qui restait de leur rencontre. Un jour, il avait cependant décidé de les brûler, finalement persuadé qu’il ne les relirait jamais. Ce qu’il aurait redouté en les ouvrant, plus encore que d’en être ému, c’était de les trouver ridicules. Il en aurait été déçu. Cette ombre, soudain jetée sur son passé disparu, il ne l’aurait pas supportée. Il préféra alors le cadenasser dans le lieu vide des souvenirs sans preuve, sans être vraiment dupe du stratagème. Il se doutait bien que la mémoire, comme les rêves, n’avait pas besoin de preuves, que cela permettrait bien plus d’alléger cartons et tiroirs que sa mémoire, mais il sut se persuader au moment de craquer l’allumette qu’avec ce geste définitif, c’étaient bien les regrets et les interrogations qui allaient partir en fumée. Il pourrait enfin tirer un trait, couper un fil, vivre plus léger. Et puis, de toute façon, il était préférable que ces lettres ne tombent pas aux mains d’étrangers à leur histoire.
Il aurait voulu croire aux albums de famille, que son passé leur ressemblât. (…)

Instinct maternel


L’univers est bleu. Le passé n’est que le brouillon de l’avenir.
Agenouillée devant son terrarium, les deux mains posées sur les montants de bois, Marie a l’air d’une pénitente. Elle passait ainsi de longs moments à observer benoîtement les insectes qu’elle élevait depuis quelques mois. Parfois elle en attrapait un, le sortait de la boîte, le tenait entre deux doigts avec précaution et le couvait d’un regard attendri.
“Il leur faut une nouvelle cage”, dit-elle à Rodolphe qu’elle fixe de ses grands yeux verts.
Rodolphe ne contrariait plus Marie depuis sa dépression survenue quelques mois après leur arrivée dans ce village qu’ils avaient dû rejoindre après sa dernière mutation. A cette époque, Marie s’était en effet rapidement retrouvée isolée. Au début elle rencontrait bien, après les courses qu’elle faisait toujours de bonne heure, certaines mères de famille qui s’attardaient autour du chocolat chaud qu’elles buvaient ensemble au petit café sur la place du marché, après avoir posé leur progéniture à l’école. Mais petit à petit, sans doute parce que Marie n’avait pas d’enfants, elle ne fut plus conviée aux discussions sur l’angine du petit dernier, les problèmes d’érection de certains maris certains samedis soir, les craintes de sécheresses vaginales et autres suspicions d’infidélités. Elle commença alors à éviter le village à l’heure de l’école, se retrouva de plus en plus souvent seule et commença à préférer passer ses journées recouverte d’une sorte de mante brune, dans un large fauteuil qui lui venait de son père. (…)