Le regard est pris dans un mouvement lent et incessant. (Rothko aurait sans doute parlé de plasticité). Chaque instant fait espérer le suivant car sans jamais épuiser la curiosité, on cherche ailleurs ce qu’il semble manquer là. Et pourtant rien ne semble faire défaut.
On ne se demande plus à ce moment là ce qu’est l’art, s’il a encore un sens face à la science ou ce qu’il pourrait nous dire encore aujourd’hui. On est comme pris d’ évidence, comme à l’écoute des sonates pour violoncelle seul de J. S. Bach. Si l’art a un sens, c’est là et là seulement, dans cette expérience de la contemplation, dans cette aventure du regard.
Mais comment Le Lorrain a-il réussi ce tour de force ? On peut mentalement tracer les lignes de fuite, chercher à évaluer avec précision la place du soleil, regarder à quelle hauteur de l’image se tient l’horizon. Quelle que soit la façon, et quelque soit aussi parfois les surprises, la raison échappe.
On est devant une oeuvre qui nous murmure autre chose que ce que la science et les discours peuvent aussi dire sur le monde.
« «Vous avez là enfin un homme accompli , a dit Goethe, un homme dont les conceptions sont aussi belles que les sentiments et dont l’âme renfermait un monde tel qu’il n’est point facile de le rencontrer. — Ces images sont de la plus haute vérité sans que ce soit nul vestige du réalisme. Claude Lorrain connaissait par cœur, dans les moindres détails, le monde réel, et il l’employait, comme moyen, pour exprimer cet autre monde dont sa belle âme était le siège. Tel est l’idéalisme légitime; il se sert de la réalité de manière que les parcelles visibles de vérité produisent l’effet de la réalité même.»
Extrait des Entretiens de Goethe et Eckermann
Citation extraite de l’article:
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